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Texte à méditer :   A nous le souvenir, à eux l'Immortalité.   Souvenir Français du canton de Dun-sur-Meuse
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Bataille de Phu Tong Hoa

Bataille de Phu Tong Hoa

Sur la route coloniale RC3bis, à 19 kilomètres au nord de Bac Kan et à une centaine de kilomètres au sud de Cao Bang, se trouve le petit village de Phu Tong Hao qui est situé au pied d'un monticule, avec en surplomb, un poste d'avant-garde français construit sommairement avec les moyens du terrain, quelques madriers et de la terre battue.
À chaque angle se dresse un bastion, et tout autour de l'ouvrage, en protection, des défenses accessoires composées d'un champ de mines, d'un réseau de fils barbelés et d'un rempart de bambous finement aiguisés. Avec un tel bouclier, l'ennemi n'est pas près de passer ! Et pourtant, il passera !
Rien n'arrête une armée de Viêts dont le seul et unique but reste la victoire ! Au risque d'y perdre la vie, ces combattants ont la hargne, ils ont aussi la foi, celle que leur a inculqué, l'oncle HO, à force de propagande, de tracts, et autres médiatisations.

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La garnison est formée par la 2e compagnie du 3e Régiment Étranger d'Infanterie, soit au total 104 hommes et sous-officiers, 3 officiers, le capitaine Cardinal, le Lieutenant Charlotton,et le Sous-Lieutenant Bevalot. Le Sergent Guillemaud est responsable du magasin, des vivres et des munitions.
Les légionnaires qui occupent l'ouvrage sont conscients de la supériorité numérique de l'armée viêtminh. En effet, dans les premiers jours de juin, la découverte de 700 tranchées et de trous en damier qui avaient été creusés en une nuit, permit par un calcul très rapide de s'apercevoir que ce travail laborieux était celui d'un contingent de 3000 hommes.
Le Capitaine Cardinal qui pressent une attaque imminente envoie un message radio à Cao Bang et Bac-Kan demandant des renforts, des munitions et surtout des grenades. À la grande surprise du capitaine et du lieutenant Charlotton, les réponses qu'ils reçoivent ne sont que moqueries et ricanement.
Bien sûr, en hauts lieux on ne croit pas un seul mot du risque d'attaque des Viêts sur ce poste. On pense plutôt qu'ils n'oseront jamais attaquer la garnison de peur de sauter sur les mines ou de se faire étriper dans les barbelés ou les bambous hérissés et acérés tels des lames sortant de terre.
On estime aussi que le service d'accueil les recevrait comme il se doit. Non ! Pour les postes principaux, cela ne peut être qu'un canular, une farce de plus dont les légionnaires ont le secret.

Puisque personne ne le croit, le capitaine Cardinal ment et affirme que sa réserve de grenades est épuisée. Cette fois, vu l'insistance du capitaine, on le croit, mais une enquête est programmée pour déterminer si la consommation de grenades n'est pas le fait d'une utilisation détournée notamment pour la pêche.

Au cours des derniers jours de juin, les Tonkinois ne tiennent plus en place. Les allées et venues n'en finissent pas ; on entre, on sort et ce manège incessant des Tonkinois en quête d'isolement devient courant depuis quelques mois. Tout cela met la puce à l'oreille des légionnaires qui ne sont pas dupes, les taupes de tout temps ont toujours existé, pourquoi pas ici à Phu-Tong-Hoa ? C'est pour bientôt pensent-ils.
Se méfiant d'eux, le Lieutenant Charlotton imagine un plan qu'il fait exécuter sur-le-champ. Il demande à son armurier, le sergent Guillemaud, de lui fournir 4 bons hommes de confiance pour un travail de nuit. Des hommes de confiance, diantre ! la Légion n'a que cela. La réponse du sergent est claire et nette ; "toute la compagnie est digne de confiance" ce qui va de soi pour un légionnaire.

Le plan est astucieux ; déménager le magasin à munitions qui se trouve trop près du mur d'enceinte et le reloger dans la cave des réfectoires. Personne de la garnison, à part les intéressés, ne doit savoir où se trouveront les munitions après déménagement. Les adjoints du sergent, Bishoff, Juhasz, les Caporaux Polain et Hueghel, et Guillemaud, lui même, se mettent au travail dans le plus grand silence.

Lieutenant Bévalot
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Le 18 juillet, une section est annoncée en renfort ; la colonne a traversé les 19 kilomètres séparant Bac-Kan de Phu-Tong-Hoa, sans aucun problème. Aucun vétéran ne figure dans cette section, juste 8 bleus qui débarquent de Sidi-bel-Abbès, sous le commandement d'un jeune sous-lieutenant âgé de 23 ans et sortant de Coetquidan. Le sous-Lieutenant Bévalot, toujours souriant, gai et enthousiaste, est accueilli par ses nouveaux supérieurs avec autant de sympathie qu'il en dégage. L'inexpérience n'est plus un problème lorsque l'on a faculté d'assimiler ; le sous-Lieutenant Bévalot est adopté.

Situation du camp de Phu Tong Hoa
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Le dimanche 25 juillet 1948, Guillemaud, Polain, et le sergent-Chef Delamare sont en pleine discussion, au réfectoire où ils se restaurent. Les légionnaires décident de se bourrer une bonne pipe et se retrouvent dans l'ex-magasin d'armes. De quoi parlent les légionnaires quand ils sont à des milliers de kilomètres de leur pied à terre ; "ah les femmes, les virées, les putes de la rue de l'Aqueduc à Oran", etc. Tout un bréviaire. Il est 19h30, les trois légionnaires entendent le sifflement caractéristique d'un obus. Ils se plaquent à terre, les mains collées à la nuque.
L'obus crève d'abord le toit qui laisse apparaître un gros trou béant, puis va loger dans le magasin, là où quelques jours auparavant, les munitions étaient rangées. La charge explose en recouvrant les hommes à terre de gravats. Personne n'est touché, tous se relèvent et se dirigent en toute hâte vers la sortie. Les légionnaires, se jettent à terre sous les bombardements incessants des mortiers et des canons de 75.

Quinze mètres les séparent du blockhaus qu'ils tentent de rejoindre et où se défendent les copains. Le capitaine se dirige en courant vers le central d'où il doit lancer un message radio. Il est 19h25, lorsqu'un obus éclate à quelques mètres de lui. Les 3 hommes qui l'accompagnent sont tués sur le coup. Des éclats atteignent les hanches et la jambe du capitaine Cardinal qui s'écroule, mais tente, malgré tout, de se hisser et se traîner vers le central radio. Arrivé dans le poste radio, il interpelle Jungermann qui, avec le légionnaire Shern, tentent un contact radio avec Bac-Kan. Il lui demande d'aller chercher les lieutenants Charlotton et Bévalot afin de leur transmettre ses ordres. Charlotton pénètre dans la pièce et, à la vue de son capitaine affalé qui baigne dans son sang, lui conseille de se faire un plasma à l'infirmerie.

Bévalot arrive à son tour. Cardinal refuse énergiquement de se rendre à l'infirmerie pour se faire transfuser, et préfère suivre les opérations. Shern enlève son casque audio et rend compte que la demande de renfort est refusée. Il précise que les postes de Bac-Kan et de Cao-Bang subissent également les assauts des Viêts. Polain arrive au réfectoire, prévient Guillemaud que tous les légionnaires sont au courant du nouvel emplacement de la soute à munitions et qu'il peut préparer "les citrons(1)". Guillemaud le questionne sur le moral de la troupe, Polain répond : "Tout va merveilleusement bien, si tu veux mon avis, les Viêts ne sont pas plus de 4 ou 5000, 3 ou 4 bataillons, dont 1 ou 2 d'artillerie lourde. Le capitaine est mourant et il pleut ! À part ça, le moral est bon."

Les deux légionnaires se connaissent bien et font depuis 10 ans le même bout de chemin, ce qui laisse indifférent le sergent Guillemaud habitué aux boutades de son compagnon d'armes. Cela dit, les deux camarades s'allument une "Mic". Polain après avoir tiré une longue bouffée, demande une caisse de grenades et lance à son ami, qu'il s'en va faire un tour. Armé de sa caisse de "citrons" qu'il porte sous le bras gauche, il s'avance lentement d'un pas décidé, alors que tout autour de lui les hommes tombent, tués ou blessés, sous une grêle d'obus. Il est 20h15, cela fait déjà trois quarts d'heure que l'artillerie viêtminh canarde, soudain, c'est le silence, un silence pesant qui ne prédit rien de bon et qui laisse présager une attaque imminente.

Pendant ce temps le géant belge continue sa promenade, délesté de quelques "citrons" qu'il a envoyés en purée sur l'ennemi. Il arrive aux abords du magasin d'armes, lorsqu'il perçoit un bruit insolite. Connaissant les lieux par cœur, même dans l'obscurité, il se fraye un chemin jusqu'au mur face à la porte d'entrée là, précisément, où 4 couchettes superposées sont fixées. Il grimpe sur l'échelle de bois et atteint la 4e couchette où, à cet endroit, les légionnaires ont posé une bouche d'aération pour le boyau extérieur qui constitue un couloir de 1, 20 mètre de large sur une vingtaine de mètres de long. Polain se rend compte que les vitres ont éclatées, faisant place, à un large trou dans la paroi, il s'en approche, glisse un œil et, pendant un court instant, reste pétrifié, telle une statue. Il aperçoit, dans un silence imperceptible, une nuée de Viêts qui se faufilent le long du couloir-boyau construit par la Légion. Il jubile à l'idée, qui, en une fraction de seconde, lui traverse l'esprit. Retournant vers Guillemaud, il reprend une caisse de grenades en disant qu'il est sur un coup, puis il empoigne son ceinturon, le serre d'un cran, et enfouit dans sa vareuse, des grenades à la bourrer, puis, d'un ton humoristique comme il en a l'habitude, il invite son compagnon à le suivre pour en "croquer".

Guillemaud, armé de la caisse de grenades, ne comprend pas encore, mais suit sans hésitation son ami. Arrivés sur les lieux, Polain demande à Guillemaud de s'installer sur la 3e couchette pour observer les Viêts qui se débattent dans un fouillis indescriptible et qui finissent éclatés contre les parois du mur d'enceinte et du réfectoire. Au milieu des détonations émergent les cris des Viêts gesticulants et le rire tonitruant de Polain qui poursuit le lancer de "citrons".
Lorque de sa vareuse il ne sort plus aucune grenade, il se tourne vivement vers Guillemaud et lui en demande d'autres : " Dégoupille-les cette fois, ça ira plus vite". Le jeu devient périlleux mais les deux légionnaires se connaissent parfaitement. Les grenades filent de main en main, certaines encore habillées de l'anneau de goupille, d'autres dégoupillées, un vrai numéro de jonglage où cette fois les artistes sont des légionnaires. Les index ensanglantés des deux hommes ne les incommodent en rien. Soudain, dans le boyau règne un grand silence. Polain passe la tête par la lucarne pour s'assurer qu'il ne reste âme qui vive. Rassurés, Guillemaud et lui peuvent quitter leur position. "Leur idée n'était pas idiote, ils auraient pu nous faire marron" s'exclame Polain.

Satisfaits , Polain et son compagnon de "jeu" sautent à terre. Ils rejoignent dans la cour leurs camarades, dans l'éventualité d'avoir à se servir d'une mitrailleuse qui aurait été abandonnée, par un légionnaire blessé ou tué.
Mais les blessés qu'ils découvrent, dont certains assez grièvement, ont tenu à conserver leur poste et leur arme pour ralentir l'avancée des Viêts.

Les Lieutenants remplacent à plusieurs reprises, tireurs et chargeurs blessés, en dépit de leurs protestations. Il ne faut qu'une dizaine de minutes pour que tous les hommes valides prennent position aux postes des blessés, seulement beaucoup manque d'expérience. Un tireur à la mitrailleuse et son chargeur, c'est un duo professionnel inséparable, où les deux hommes se connaissent parfaitement comme se connaissent Guillemaud et Polain.

À 21 heures, les centaines de trompes viêts retentissent dans un vacarme épouvantable. Les vieux légionnaires sont exaspérés par cette fanfare de mort et savent que vont surgir des montagnes environnantes, dans un même élan, une cohorte d'exaltés sanguinaires, prêts à tuer, à éventrer.
Au milieu de la nuit, l'effectif des légionnaires valides est de 50 hommes ; 21 sont morts et 34 sont blessés.
Le capitaine Cardinal, dont l'état devient de plus en plus critique, n'en a plus pour longtemps. Il a perdu tout son sang et dans un dernier sursaut il se tourne vers ses subalternes et dit : "Du courage les enfants ! Au corps à corps, ils ne valent pas un clou!"

À 4 heures du matin, le capitaine Cardinal s'éteint. Le Lieutenant Charlotton, prend le commandement, mais il tombe foudroyé douze minutes après, alors que les premières vagues viêtminh escaladent les murs d'enceinte.
Le Lieutenant Charlotton décède à 1 heure du matin. Le blockhaus ouest est anéanti, les Viêts s'emparent du FM de défense, le pointe en direction du poste, un des rebelles vocifère dans un français moyen: "Rendez-vous , vous êtes perdus ! Rendez-vous ou nous vous tuons tous!"
La réponse est brève, et fulgurante. Elle vient du blockhaus sud. La mitrailleuse abat de plein fouet d'une rafale, le Viêt trop sur de lui  qui avait, comme ses chefs, sous-estimé la vaillance des légionnaires au combat. Le tir était commandé par le caporal-Chef Martin, secrétaire du capitaine Cardinal avec à ses côtés, ses seconds, Piperno le petit cuisinier sicilien et son fidèle ami le gitan Chauvé.
Geste de bravoure qui irrite les Viêts et leurs vagues se lancent successivement sur les positions à l'intérieur du poste. Grenades, coups de crosse, armes blanches, les légionnaires déploient toutes leurs forces pour les en déloger ce qu'ils parviennent à faire. Le légionnaire Polain est assailli par une bande d'enragés. Acculé contre un mur il fait face aux Viêts qui veulent le prendre vivant. Il se défend comme un diable armé de deux poignards commandos et tue quatre Viêts, mais il est transpercé par une baïonnette. Le géant tombe à terre dans une mare de sang. Les viets se ruent alors sur ce corps inerte et le perforent d'une centaine de coups de poignards et de coupe-coupe. Dans son paquet de Mic il restait dix-huit cigarettes.

Le sergent Guillemaud n'ayant plus aucune grenade distribue des grenades fumigènes inoffensives. L'ennemi pensant avoir affaire à des gaz asphyxiants esquisse un mouvement de recul, ce qui permet aux légionnaires de reprendre des positions. Les hommes valides se battent comme des fauves, reprennent les mitrailleuses et tirent au jugé, les yeux larmoyants. C'est alors que les dieux du ciel réagissent. Le ciel se déchire, la lune apparaît et les légionnaires aperçoivent clairement devant eux leurs ennemis. C'est maintenant qu'ils vont en découdre, l'obscurité n'est plus, et les légionnaires se mettent à canarder à tout va, en utilisant à la fois les mitrailleuses et les  mortiers. 3000 Viêts se replient devant l'ardeur, le courage, la ténacité, la force et le refus de succomber de 34 légionnaires.

Il est 23 heures quand les trompes viêtminh résonnent de nouveau, mais cette fois elles sonnent la retraite, le repli, l'abandon. Les légionnaires sachant le Viêtminh rusé ne relâchent pas la surveillance. Ils restent toute la nuit sur le qui-vive. Dans l'infirmerie, les blessés à même le sol baignent dans leur sang et dans celui de leurs frères d'armes. Les plaintes et les cris de douleurs emplissent la salle. Le Sergent Guillemaud s'approche de Chauvé le gitan qui perd beaucoup de sang ; il a reçu une rafale de PM en pleine poitrine et des éclats de grenades dans le ventre. Il implore son sergent: "Finis-moi, sergent, je t'en supplie".

Récit du sergent Guillemaud : "Une fois le contact pris avec les survivants regroupés au sud avec le Lieutenant Bévalot, il convient de remettre un peu d'ordre dans l'incroyable confusion qui règne encore à l'intérieur du poste. C'est vite fait. Avec les sergents Galli, Fissler et Andry, nous répartissons les légionnaires valides en quatre groupes et reprenons possession des positions évacuées en nous assurant qu'aucun Viêt vivant ne s'est maintenu dans le poste.
Il fait de moins en moins sombre ou tout au moins, l'obscurité de la nuit se lève, au fur et à mesure, que la lune apparaît derrière la montagne et les collines. Je me dirige vers la muraille nord dans l'intention de poster quelques légionnaires aux créneaux. Mais tout d'abord, il faut enlever les cadavres viêts laissés sur place par l'assaillant.
En relevant les corps de nos adversaires, je m'aperçois qu'outre les armes automatiques, les Viêts étaient munis de tiges de bambous, longues de deux mètres cinquante environ, terminées, soit par des fers de lance crantés, soit par des sortes de serpes courbes, le tout soigneusement affûté.
Sous un des corps, je trouve un fusil mitrailleur de fabrication étrangère, les fusils récupérés sont de très grande taille, et les baïonnettes qui les équipent sont soigneusement liées par des fils de fer.
De nombreuses grenades non éclatées jonchent le sol et c'est très dangereux. Le matin, au jour, nous constatons que les fusils sont russes, les fusils mitrailleurs tchèques, et les grenades, de fabrication locale. Il me vient à l'idée d'aller voir dans l'emplacement du mortier de 60 qui jouxte le magasin d'armes et ma chambre à l'est. À ce moment, je suis rejoint par le chef de pièce. Nous poussons une exclamation de surprise au premier regard. Littéralement entortillé autour du mortier, un cadavre viêt fait corps avec le tube, retenu par la bretelle de portage, une grenade lui a explosé sous le nez, juste au moment où il tentait d'emporter la pièce.

Dans le "blockhaus 3", une dizaine de cadavres viêts encombrent la partie inférieure, nous les dégageons et constatons avec surprise qu'ils recouvrent les corps des légionnaires Baran et Speck. Baran sert encore dans sa main droite, le bloc percuteur de son F.M., qui lui a été enlevé par les Viêts, mais par son dernier geste, il a rendu l'arme inutilisable.
Pour permettre à quelques-uns d'entre nous de prendre un peu de repos, un tour de garde est organisé. Mon tour passé, je peux aller m'étendre deux ou trois heures. Je suis trop exténué pour me préoccuper des gravats et des débris de tuiles qui m'entourent. Je suis réveillé par un légionnaire envoyé par le sous-lieutenant Bévalot. Il fait beau, le soleil s'est levé, il fait déjà chaud, mais le spectacle qui s'offre à moi est épouvantable. Les corps de nos vingt et un morts, étendus et rangés sous ce qui reste du réfectoire. Le capitaine Cardinal, le lieutenant Charlotton, les caporaux-chefs Polain et Huegin, les légionnaires Walther, Manault, Piperno le Sicilien, Baran, Speck, Chauvé le Gitan, Herguessen, et bien d'autres, que je connais peu ou mal parce qu'arrivés avec les derniers renforts de Bel Abbès, il y a à peine huit jours. Il importe de procéder au plus vite à l'inhumation des corps en raison de la chaleur de plus en plus intense et aussi parce que des nuages entiers de grosses mouches voraces s'abattent sur eux.

À 8h45 du matin, le contact radio en phonie est rétabli avec Bac-Kan. C'est le commandant Sourlier qui a pris lui même le micro pour converser avec le radio. Il s'est mis à lui poser des questions pour le moins saugrenues de prime abord. il est évident qu'il n'était pas sûr que Phu-Tong-Hoa n'était pas occupé par les Viêts en raison de notre dernier message.
Les réponses faites aux questions posées par le commandant lui ont permis de se convaincre qu'effectivement Jungermann, le radio, était libre de ses réponses et que contre toute vraisemblance, le poste était encore aux mains de la 2e compagnie.
Ensuite, avec mon magasinier Bischoff, nous nous affairons à récupérer les armes et les munitions qui traînent un peu partout. Nous récupérons aussi des documents et notamment des plans du poste.
En général ces derniers sont fort bien faits, extrêmement fidèles ; les Viêts étaient parfaitement renseignés sauf sur un point: tous les documents indiquent l'ancien emplacement du magasin à munitions. Sur l'un des corps viêts, dont l'uniforme porte des insignes de gradé, nous trouvons un drapeau rouge timbré à l'étoile jaune à cinq branches. Manifestement destiné à remplacer le nôtre. Mais celui-ci est resté hissé sur son mât toute la nuit."

Pendant ce temps, depuis le silence de Phu-Tong-Hoa à 21 heures, le 25 juillet, Cao-Bang est persuadé que le poste est tombé. Le lieutenant-colonel Simon, commandant de zone, donne des ordres afin de préparer un détachement de secours. Ce détachement, composé d'un peloton du 5e escadron du régiment d'infanterie coloniale, de la 3e compagnie du 23e bataillon de Tirailleurs algériens, d'un détachement du Génie et, en protection, bien entendu, une compagnie du 3e Étranger.
La colonne Simon partie à l'aube mettra trois jours pour atteindre Phu-Tong-Hoa, elle sera attaquée par 4 fois, laissera des pertes mais parviendra quand même au but.


Reprise du récit du sergent Guillemaud :
"Lorsque vers 19 heures, les premiers éléments de la colonne tant attendue sont signalés au détour de la route de Diang, un soupir de soulagement monte du poste et un formidable hourra retentit.
Juché sur le "blockhaus 3", jumelles en main, je scrute la route illuminée par le soleil couchant. Une jeep apparaît, se détachant de la colonne. Quatre hommes sont à bord, et il me semble reconnaître la silhouette du colonel ; c'est bien lui, accompagné de son chef d'état major, le capitaine Soulier, et d'un sous-officier de la section de protection.
Dans le silence le plus complet, le colonel Simon termine à pied la montée vers le poste. Les commandements réglementaires retentissent. Le cliquetis des armes ponctue le maniement impeccable.
La tradition est respectée ; gradés et légionnaires se présentent. Mis à part le décor, on se croirait au Quartier Vienot de bel-Abbès. Phu-Tong-Hoa est resté légionnaire. Fidèlement."

Colonel Simon et lieutenant Bévalot en inspection à Phu Tong Hoa
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Le poste de Phu Tong Hoa est finalement abandonné en octobre 1948.

Colonel Bévalot
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Décoration tardive du colonel Bévalot
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Monument viêtminh à Phu Tong Hoa

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Monument viêtminh à Phu Tong Hoa

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Notes :

  • (1) Grenade à main

Sources :


 

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Date de création : 03/05/2019 12:48
Catégorie : - Guerre d'Indochine
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