Marcel Bigeard en Indochine

Marcel Bigeard, pseudo "Bruno", en Indochine

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 Au milieu de l'année 1945, le capitaine Bigeard reçoit le commandement de la 6e compagnie du 23eRIC(1) à Villingen en Allemagne ; désigné pour le corps expéditionnaire en Indochine, le régiment débarque à Saïgon le 25 octobre 1945 et participe jusqu'en mars 1946 à la pacification de la Cochinchine.

 Le 8 mars 1946, un détachement de la 2eDB(2) et la 9eDIC(3), dont fait partie le 23eRIC, débarquent à Haiphong au Tonkin.

 Le 1er juillet 1946, Bigeard quitte le 23e RIC et forme à Thuan Chau, au sud-est de Diên Biên Phu, une unité constituée de 4 commandos de 25 volontaires chacun au sein du bataillon autonome thaï du Lt-colonel Quilichini.

 Au retour de ses hommes en métropole, mi-octobre 1946, il prend le commandement de la 3e compagnie constituée de 400 hommes environ. Il quitte finalement l'Indochine le 17 septembre 1947 et atterrit 3 jours plus tard à Orly.

 Volontaire pour un second séjour en Indochine, il est affecté le 1er février 1948 au 3eBCCP (bataillon colonial de commandos parachutistes) du commandant Ayrolles à Saint-Brieuc et prend le commandement du groupement de commandos parachutistes n°2.

 Quand le 3e para débarque à Saïgon en novembre 1948, Bigeard, qui ne s'entend pas avec son supérieur, parvient à faire détacher son groupement au détachement amarante du commandant Romain-Desfossé à Haïphong.

 Le 1er octobre 1949, Bigeard met sur pied à Son-La le 3e bataillon thaï fort de 2 530 hommes répartis en 5 compagnies régulières et 9 compagnies de gardes civils et de supplétifs militaires.

 Relevé de son commandement suite à un différend avec l’administrateur de la province, il est muté à Haïduong et prend le 5 avril 1950 la tête du bataillon de marche indochinois qui reçoit, en août, le drapeau du 1er régiment de tirailleurs tonkinois décoré d'une croix de guerre avec palme.
 Le 12 novembre 1950, Bigeard embarque à Saïgon sur le paquebot "La Marseillaise" et quitte une nouvelle fois l'Indochine.

 Au printemps 1951, il est affecté à Vannes à la demi-brigade coloniale du colonel Gilles et se voit confier le bataillon de passage.

 En septembre 1951, il obtient le commandement du 6e BPC à Saint Brieuc et le grade de chef de bataillon en janvier 1952.

 Le 28 juillet 1952, Bigeard, à la tête du 6e BPC, débarque à Haïphong pour son troisième séjour en Indochine et prend ses quartiers à Hanoï.

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Le 16 octobre, le bataillon est largué sur Tu Lê et affronte durant 8 jours les régiments des divisions Viêtminh 308 et 312. L'unité se distingue à nouveau lors de la bataille de Na San (parachutage dans la cuvette de Ban Som le 27 décembre 1952), lors de l'opération Hirondelle sur Lang Son le 17 juillet 1953 et lors de l'opération Castor sur Dien Bien Phu le 20 novembre 1953.

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Le 31 décembre 1953, il prend le commandement du GAP n°4 constitué du II/1er RCP et du 6e BPC, et intervient au moyen Laos entre Thakhek et Savannakhet où deux divisions Vietminh se dirigent ;

Parachuté en pleine bataille sur Dien Bien Phu le 16 mars 1954, Bigeard est nommé lieutenant-colonel lors des combats et devient l'un des héros de la cuvette en combattant avec son bataillon sur les points d'appui Éliane 1 et 2, mais surtout en co-dirigeant les troupes d'intervention du camp retranché avec le colonel Langlais

Bigeard est fait prisonnier à l'issue de la bataille de Diên Biên Phu qui a mis fin à la présence française en Indochine en mai 1954.
Située dans une petite plaine au nord-est du Tonkin, à 20 km de la frontière du Laos et 80 km de la frontière chinoise, la cuvette de Diên Biên Phu a été le théâtre de la plus terrible des batailles de la guerre d'Indochine.
Elle s'est achevée le 7 mai 1954 après 56 jours de combats. Environ 4.000 soldats français et près de 10.000 combattants du viêtminh ont perdu la vie à Diên Biên Phu.

Diên Biên Phu, depuis, est un synonyme tragédie.

Bigeard est fait prisonnier le 7 mai 1954 lors de la chute du camp. Libéré quatre mois plus tard il quitte définitivement l'Indochine le 25 septembre.

"À cette époque où, selon mon indicatif radio, je devenais Bruno, je ne savais pas encore que nous vivions les plus belles années de notre vie. Les plus belles parce que les plus dures. Elles étaient aussi les années les plus amicales, les plus orgueilleuses, et les plus solitaires :

  • Les plus amicales parce que nous étions, à la vie, à la mort, entre camarades
  • Les plus orgueilleuses parce que jamais autant nous n'aurions la fierté de notre tenue et de notre uniforme
  • Les plus solitaires enfin, parce que nous menions en des terres lointaines un combat d'idéal, aussi ignoré de la métropole que celui des Croisés de la première croisade, il y a neuf cents ans, quand le moine Bruno, mon saint patron à la guerre, fondait l'ordre des Chartreux

Oui, les camarades parachutistes, les solitaires parachutistes, les orgueilleux parachutistes étaient alors portés par un destin semblable à celui des Croisés ou à celui des moines, des moines guerriers, des Templiers.
Et j'imagine que, nonobstant l'armure, les chevaliers du Temple n'auraient pas été mécontents de sauter sur Jérusalem en arrivant du ciel, comme nous allions le faire tant de fois, de la RC 4 à la Plaine des Joncs, et de la Rue sans Joie à Ðiên Biên Phu.
Je crois que c'est en effet l'esprit, du moins un certain esprit, une certaine idée de nous-mêmes, qui nous permettait de nous manifester ainsi, au plus fort des combats. On sait contre quoi, contre qui nous combattions : Contre un monde opposé à celui de l'esprit. Et puis, il y avait en nous autant de secrète vigueur de venir au feu en tombant du ciel qu'en parcourant des lieues à travers la jungle, la rizière ou la montagne. L'esprit nous animait.

L'esprit, d'abord, du dépassement de soi. J'ai vu combien de garçons de vingt ans, ou même de trente, s'agripper à la carlingue et sauter dans l'inconnu mortel alors que, deux ou trois heures auparavant, ils se trouvaient encore à Hanoï dans l'insouciance ou les plaisirs de quelque lieu de détente ! Et j'en ai vu combien marcher sur la piste jusqu'à l'épuisement ou courir à l'assaut jusqu'à la chute ! Je le dis, une telle vigueur physique n'est pas possible sans une ardeur morale. Jogging, certes, mais jogging avant tout du caractère et du courage.
Aller ainsi jusqu'au bout de soi, cela s'appelle l'abnégation, cela s'appelle l'esprit de sacrifice, et cela signifie que l'on défie la mort en combat singulier, la mort qui est autour de nous tous. Je les salue, mes camarades parachutistes qui l'ont rencontrée sans peur. Leur mort est à jamais notre mérite.

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 L'esprit d'équipe ensuite, l'esprit de camaraderie. On dira peut-être esprit de caste, de clan, de corps. Soit, si cela veut dire que l'on a la volonté d'être les meilleurs et que cela ne vous est pas donné par quelque grâce d'état ou d'uniforme.
 Oui, nous osions espérer être les meilleurs, mais les meilleurs parmi nos égaux, nos frères d'armes. Et, s'il y a caste du combat, clan de guerriers, si le parachutiste veut encore être aujourd'hui ce primus inter pares(4), c'est surtout à l'Indochine que nous le devons.

 Après la Bretagne ou la Hollande, avant Suez ou Timimoun, et aussi avant Kolwezi, il y eut l'Indochine : That Khé, Tu Lé ou Ðiên-biên-phu furent les creusets où se forgèrent l'esprit, le geste et la chevalerie parachutistes.

 Esprit français enfin. Cet esprit para qui devait jaillir du ciel d'Indochine, comme une corolle, a-t-on remarqué qu'il était particulièrement représentatif de ce que le soldat français a toujours eu de meilleur en comparaison de tous les autres ?
 L'astuce et la fougue, l'audace et la furia francese, l'intelligence du combat, le sens du terrain, le flair du danger, le goût de la manœuvre, la souplesse de l'approche, tout cela qui rend le parachutiste français le plus para des aéroportés, là aussi ce primus inter pares parmi nos camarades du monde entier, tout cela naquit de la guerre d'Indochine.
 J'ai souvent dit ou écrit, il faut "être et durer" ou encore " faire un pas... encore un pas " et savoir repartir à zéro.
 Le vieux soldat que je suis devenu essaie de continuer à servir en puisant certes dans son passé, mais en ayant le regard fixé sur ce que pourrait être demain, et où là comme ailleurs les paras qui furent toute ma vie sauront défendre une liberté qui n'a pas de prix". Marcel Bigeard cité dans La Guerre d'Indochine 1945-1954 par Philippe Héduy

Colonel Marcel Bigeard
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Bigeard et Rodel

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1) Régiment d'infanterie coloniale

2) Division blindée

3) Division d'infanterie coloniale

4) Le premier des soldats

Sources :

  • Chemin de mémoire Parachutistes.org
  • Ma guerre d'Indochine du général Bigeard
  • Rolf Rodel
  • Famille du général Bigeard
  • Musée de la Légion étrangère au Aubagne
  • wikipédia.org
  • wikimedia common
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Date de création : 02/03/2019 16:37
Catégorie : - Guerre d'Indochine
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