2017 Les Calédoniens dans la Grande Guerre

Les Calédoniens dans la Grande Guerre

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Plusieurs semaines après la déclaration de guerre de l’Allemagne à la France en date du 2 août 1914, et après la demande de Paris, le gouverneur mobilise tous les Calédoniens réservistes, et ce jusqu’à la classe 1914.

Le 5 août 1914, l’annonce de la guerre parvient à Nouméa, 150 jeunes se rassemblent devant la mairie en criant, «A Berlin» ; les Alsaciens et Lorrains installés principalement à Moindou après la guerre de 1870 attendaient la revanche contre l’Allemagne.

Les militaires présents regagnent la France en septembre 1914 via l’Australie, ils seront remplacés par des militaires âgés, puis par des blessés de guerre, inaptes au front.

Départ du contingent

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Caserne de Nouméa

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Départ pour le front

Le 20 août 1914, les flottes française, néo-zélandaise et australienne se rassemblent à Nouméa pour partir à la conquête des possessions allemandes du Pacifique.

Les zones d’influences allemandes sont : une partie de la Papouasie-nouvelle-guinée, les Salomons, les Samoa allemandes, Tonga, et de nombreux archipels de Micronésie. Les Allemands, peu nombreux, sont arrêtés et envoyés dans des camps australiens. Le drapeau allemand est remplacé par un drapeau australien en Papouasie, un drapeau néo-zélandais à Samoa et un drapeau japonais en Micronésie ; le Japon rejoint le clan allié, le 23 août 1914, et occupe la base allemande en Chine à Tsing Tao, le 7 novembre.

Septembre 1914, Papeete est bombardée par la flotte de L’Amiral Von SPEE venu se renflouer en vivres et charbon. L’évènement marque les mémoires et fait craindre une attaque de la flotte allemande mais, par la suite, plus aucun navire allemand ne croise dans le Pacifique pendant toute la durée de la guerre.

En 1914, les sujets allemands et autrichiens sont expulsés de Nouvelle-Calédonie vers des camps en Australie. Des familles de souche allemande, installées depuis des décennies, mais non naturalisées, sont astreintes à résidence et leurs biens mis sous séquestre ; certains hommes s’engagent dans la Légion étrangère.

Un corps expéditionnaire composé d’Australiens et de Néo-Zélandais (ANZAC) gagne la France avec 17 Calédoniens dans ses rangs.

En décembre 1914, l’appel anticipé de la classe 1914 en France est étendu à la Nouvelle-Calédonie, alors qu’au mois de février 1915, la classe suivante rejoint la caserne (certains jeunes ont à peine 19 ans).

Départ des volontaires

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Les coloniaux sont autorisés à choisir le front de l’Ouest ou celui d’Orient tout aussi meurtrier. Ils sont surnommés les Niaoulis et partent, soit avec un rameau de l’arbre éponyme, soit avec la pommade issue du même arbre. Ils sont surnommés : le bataillon canaque ou bataillon de la Roussette.

La classe 1913 est encore sous les drapeaux et en instance de démobilisation. Les officiers et sous-officiers plus âgés sont nommés pour encadrer environ 1500 hommes de troupe qui occupent encore les bâtiments militaires. Après un entraînement de plusieurs mois à quelques semaines pour les plus jeunes, un contingent est formé pour embarquer le 23 avril 1915 sur le Sontay (800 soldats et gradés). Un certain nombre de volontaires des classes plus anciennes (néo-hébridais) non mobilisables ont l’autorisation de se joindre à eux. Ce premier contingent débarque à Marseille après 63 jours de mer et se dirige sur Saint-Maurice de Gourdans dans l’Ain puis au camp de Valbonne.

En France, la guerre des tranchées a succédé, après la bataille de la Marne, à la guerre de mouvement. Le gouvernement français fait appel à la Force noire, tirailleurs sénégalais et nord-africains dès le début de la guerre. Fin 1915, il demande l’aide des autres colonies, Malgaches, Indochinois, Somalis, Canaques et Tahitiens. Des gradés de l’infanterie coloniale, blessés au feu, sont chargés d’entraîner les Calédoniens à la nouvelle forme de combats. Au mois de novembre 1915, le contingent est divisé en deux parties : la plus importante est affectée à la 15e division d’infanterie coloniale, 5e et 6e R.I.C., sur le front français et l’autre rejoint l’armée d’Orient à Salonique, 3e, 54e et 56e R.I.C.

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Les Calédoniens étudiant en France sont appelés sous les drapeaux, pour la plupart, au début de la guerre et affectés dans les unités de leur résidence. Les deux premiers Calédoniens tombés au champ d’honneur, le 22 août et 8 septembre 1914, sont Henri DEFFERIERE et Paul DELIGNY. Le premier soldat du 1er contingent tué à l’ennemi le 19 mars 1916 lors d’une sortie nocturne devant les tranchées de Canny-sur-Matz, est Charles CARRET. Son corps est ramené dans les lignes par ses camarades.

La guerre est si meurtrière que l’on manque de combattants. Le gouvernement recrute les sujets de l’empire colonial, l’enrôlement des indigènes est organisé dans chaque colonie par le gouverneur. En janvier 1916, le gouverneur fait appel aux Canaques pour partir au front. Encouragés par leur chef, les prêtres ou les pasteurs, attirés par des promesses ou désirs de partir en guerre, les premiers volontaires canaques affluent. Ils doivent avoir 18 ans, mais en l’absence d’état civil (instauré en 1934), l’âge reste à l’appréciation du recruteur. Trois contingents quittent Nouméa par la suite, il s’agit surtout de jeunes des classes 1916 et 1917, des volontaires autochtones et des Tahitiens qui ont rejoint Nouméa.

Le Gange et L’El Kantara partent de Nouméa, les 4 juin 1916, 3 décembre 1916 et 10 novembre 1917.

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Les volontaires de la classe 1918 partent à leur demande comme élèves officiers pour retrouver leurs aînés. Après un stage au centre d’instruction, ils rejoignent le Bataillon du Pacifique à Saint Raphaël. Le plus jeune des volontaires hébridais a 17 ans et est blessé en août 1918.

Les 2e, 3e et 4e contingents, forment, au camp de Boulouris et de Fréjus, le 1er Bataillon mixte du Pacifique. Le fanion décoré de la croix de guerre avec palme est conservé au musée de garnison à Nouméa.

Au total, 2170 Calédoniens partent de Nouméa, soit 1036 Européens et 1134 autochtones. En plus, 120 mobilisés en métropole participent à la Grande guerre avec, en outre , 17 jeunes calédoniens habitants Nouméa et Sydney qui s’engagent dans l’armée Australienne.

Dès le début de la guerre, il est interdit d’exporter du minerai vers l’Allemagne (chute de l’exportation de nickel). La Nouvelle-Calédonie se tourne vers les marchés américains et japonais qu’elle approvisionne en métaux stratégiques et participe ainsi à l’effort de guerre. Les conséquences économiques de la guerre sont lourdes ; les hommes valides sont au front, et les tribus se dépeuplent. Les propriétés sont mises en vente ou en gérance, car les femmes ne peuvent plus rester et travailler seules.

En novembre 1915, les jeunes soldats du 1er contingent suivent leurs régiments, à savoir : les 5e et 6e R.I.C formant la brigade sous le commandement du général MARCHAND, l’homme de Fachoda. Avec le 2e R.I.C., ces régiments forment la 5e D.I.C.Le premier contact au feu a lieu dans l’Oise devant Lassigny, au bois des Loges, et se décline en patrouilles entre les lignes, coups de main, guerre des mines.

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En juillet 1916, la division se trouve dans la Somme au nord de Belloy en Santerre. La brigade occupe les restes de tranchées allemandes en avant de Barleux pris par les troupes françaises depuis quelques jours.

La poussée ennemie sur VERDUN se fait de plus en plus forte, les forts de DOUAUMONT et de VAUX sont pris. L’offensive de la Somme, décidée en décembre 1915 par le commandement allié, et déclenchée le 1er juillet 1916 à la jonction des armées françaises et britanniques, achève de briser l’assaut allemand et diminue la pression de l’ennemie.

Le 4 septembre 1916, la 15e D.I.C. reçoit l’ordre d’attaquer en direction de Villers-Carbonnel dans la Somme ; l’Allemand recule encore mais le front n’est pas percé. Il est colmaté devant Barleux au prix de contre-attaques sanglantes. Le 6e colonial perd à lui seul 25 officiers et plus de 1000 tués et blessés en 48 heures. Les pertes du 5e R.I.C.sont équivalentes.  30 Calédoniens du 5e R.I.C sont capturés et dirigés sur des camps de concentration en Allemagne, 20 sont portés disparus et les corps jamais identifiés, 51 sont tués ou meurent de blessures. Certains reposent au cimetière de Nouméa. Le capitaine DESMIER, si connu des Calédoniens et tant aimé, est blessé dans l’action et tué quelques mois après à Verdun.

Les mobilisés et réservistes effectuent des exercices à Nouméa ; des tranchées sont creusées à la vallée du génie pour l’entraînement. La solidarité se met en place ; les dames de France et l’association les colis du Niaouli, multiplient les loteries, colis et quêtes pour les combattants par envois d’argent et de produits du pays avec tricots et linges.

Une grande attaque se prépare au Chemin des Dames dans l’Aisne.  Le 2e corps d’armée colonial est retiré de la Somme au début 1917 pour se reposer, se compléter et se préparer à de nouvelles opérations.

La 15e division coloniale repart à l’attaque en direction de Laon, le 16 avril 1917, sous le commandement du général MANGIN. La première avance est aisée grâce à un bombardement effroyable de l’artillerie, mais les Allemands ont aussi des grottes au-delà de la crête du Chemin des Dames, ce qui leur permet de tenir. A l’heure de l’attaque, ils occupent les positions de deuxième ligne hâtivement reconstituées et arrêtent l’élan des Marsouins. Le 6e R.I.C, perd en trois jours 22 officiers et 700 hommes, les pertes du 5e sont également très élevées. Une compagnie du 6e R.I.C composée de 4 officiers et de 180 hommes, le 16 avril au matin, ne revint à l’arrière qu’avec 59 hommes sous le commandement d’un sous-lieutenant Calédonien.

Le recrutement bien souvent forcé des indigènes se fait sur la base d’un homme sur dix. En 1916, la pression se fait de plus en plus forte et le quantum est bien largement dépassé. Dans les nombreuses tribus, la misère qui sévit en brousse provoque la révolte canaque en 1917, menée par le chef NOËL de KONE. Elle est sévèrement réprimée ce qui laissera un profond traumatisme dans la population mélanésienne. Le chef NOËL est tué en janvier 1918 près de Tiamou ; quelques jours plus tard, le gouverneur REPIQUET déclare la fin de la révolte.

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Deux Calédoniens se sont comportés brillamment à VERDUN, lors de la reprise du fort de Douaumont, le 24 octobre 1916. Deux gars de Ponérihouen, François et Victor SALAUN venaient d’être affectés au Régiment d’Infanterie Coloniale du Maroc, ce régiment de choc, le plus décoré de la guerre 1914-1918. Au cours de l’action, en plein jour, dans un terrain non protégé, à quelques centaines de mètres du fort, les deux frères avancent l’un près de l’autre. À un moment donné, Victor est blessé et s’affaisse. François l’a vu tombé. Profitant d’une petite accalmie, il revient en arrière, prend son frère sur son dos, et de trou d’obus en trou d’obus, malgré les mitrailleuses et les éclats d’obus, il ramène Victor au premier poste de secours. Ils s’embrassent alors et François retourne par le même chemin au milieu des mêmes dangers jusqu’à sa compagnie, et rentre dans le fort avec elle.

La croix de guerre avec palme décernée le même jour vint récompenser ce brillant fait d’armes, rare dans les annales de l’Armée. Hélas, ils sont morts peu après leur retour en nouvelle Calédonie.

Aux Éparges, avant le déclenchement de la grande attaque sur VERDUN, le caporal Louis ULME, chargé de liaison du bataillon a accompli, dans un véritable enfer qui n’eut d’égal, à l’époque, que celui de VAUQUOIS, des missions magnifiques qui lui valent une des premières croix de guerre obtenues par un Calédonien.

À partir d’avril 1917, les coloniaux qui ont 18 mois de présence au front peuvent bénéficier d’une permission de 30 jours dans leur territoire d’origine.

Le 2e contingent de permissionnaires, 127 soldats et 33 sous-officiers et caporaux embarqués sur le Gange, est torpillé devant Bizerte. Après avoir échappé à l’artillerie allemande au front, ils sont heurtés par une torpille sous-marine sur leur chemin du retour. Fort heureusement personne n’est atteint. Le contingent quelques mois plus tard peut reprendre le chemin de Nouméa sans encombre cette fois. D’autres permissionnaires suivent, qui sont retenus en Nouvelle-Calédonie pour participer à certaines tâches locales.

L’ennemi a tenté son dernier effort en Champagne : les tirailleurs calédoniens et tahitiens prennent part à la riposte victorieuse du 18 au 21 juillet 1918 ; 14 tirailleurs sont tués, 101 blessés et 4 sont portés disparus au cours de cette action.

Le 28, après avoir participé à différentes petites actions, le bataillon attaque le plateau de Pasly dans le même secteur et du 25 au 27 octobre, il prend part dans l’Aisne à la contre-attaque devant Soissons enlevant Vesles et Caumont de haute lutte ce qui lui vaut une belle citation à l’ordre de l’armée.

Front d’Orient :

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Les 250 hommes environ, du 1er contingent désigné pour le corps expéditionnaire des Dardanelles ont été embarqués dès le 25 novembre 1915 vers l’ile de Lemnos (mer Egée).

Un mois plus tard, après un crochet à Mytilène, ils rejoignent le camp retranché de Salonique, où ils sont répartis au 3e, 54e et 56e R.I.C.

Formant division avec le 2e bis de Zouaves, les trois régiments ci-dessus participent à la guerre en rase campagne dans la vallée de la Strouma, puis prennent les tranchées au grand lac de Douaran, secteur très pénible à tenir sous le harcèlement du feu des Bulgares.

De nombreux Calédoniens sont tués dans ce secteur. Le premier d’entre eux, le sergent Paul AUGIAS est inhumé sur place.

La division se déplace sur 200 kilomètres pour atteindre la boucle de la Cerna ; le saillant de Kenali est d’abord pris, puis c’est l’attaque réussie sur Monastir, en octobre 1916 avec l’armée Serbe. Le village voisin Demir-Hissard est pris également. À ce moment, la route vers l’Ouest est ouverte et le corps expéditionnaire progresse dans cette direction.

En avril 1917, une permission de 30 jours est accordée, après un séjour dans cette région très insalubre de la Serbie, un ennemi invisible mais implacable a considérablement aidé l’ennemi : le paludisme et la dysenterie font des ravages considérables dans les rangs du corps expéditionnaire français.

C’est par milliers qu’ils sont évacués, gravement atteints, certains meurent avant leur retour en France ; d’autres  subiront toute leur vie les séquelles de la dysenterie et de la malaria.

L’armistice du 11 novembre 1918 arrête définitivement les combats.

Sur les 5500 citoyens français de Nouvelle-Calédonie, 1036 sont partis pour les théâtres d’opérations, soit 18,5%.

Sur ces 1036 combattants, 162 sont morts pour la France, laissant 41 orphelins de guerre soit une proportion de 15%.

Les indigènes dont la population adulte mâle était de 8700 âmes ont fourni 1134 tirailleurs, sur lesquels 374 sont morts pour la France.

Au total, la colonie comptabilise 541 morts ou disparus, ce qui sur un effectif total de 2170 hommes représente la proportion impressionnante de 25%

Le registre de mobilisation de Nouméa affirme que 1218 Calédoniens de souche européenne ont été mobilisés dans la colonie. Ce nombre est réduit à1093 après épuration des registres de 99 Japonais qui se sont engagés dans la Légion étrangère et environ 28 pour des cas différents.

D’autres victimes sont à déplorer suite aux effets à retardement des gaz de combat.

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***** fin de la conférence*****

Date de création : 27/02/2018 13:49
Catégorie : - Conférences
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